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« GPA : il faut dépasser le débat binaire, entre idéologie et symbolisme »

Le 5 octobre 2023, les parlementaires européens ont voté en faveur de l’amendement de l’eurodéputé LR François-Xavier Bellamy pour inclure la gestation pour autrui (GPA) dans la définition de la traite d’êtres humains. Depuis, d’autres personnalités politiques se sont exprimées, comme Clément Beaune, alors ministre des transports, qui s’était prononcé en faveur d’une légalisation « à l’avenir » de la GPA, ou Bruno Le Maire, encore ministre de l’économie, qui disait avoir évolué dans son opinion. En qualité de spécialistes de l’assistance médicale à la procréation (AMP), nous saisissons l’occasion d’insister sur le besoin de construire une réflexion qui évite l’écueil de ce débat : son instrumentalisation idéologique. La GPA sera probablement l’une des questions sociétales qui clivera lors de la prochaine campagne présidentielle ou de la révision des lois de bioéthique, et il relève en partie du rôle de la communauté scientifique d’aider à construire, avec les Français, cette réflexion.
D’un point de vue médical, rappelons que la GPA et la transplantation utérine (TU) sont les seules solutions médicales à l’infertilité utérine absolue, un ensemble de conditions de santé qui empêchent une femme de mener une grossesse. En France, la première semble susciter plus de questionnements éthiques et moraux que la deuxième, qui pourtant est loin d’en être exempte. L’Agence de la biomédecine a autorisé plusieurs TU, sans que cela déclenche de polémique, alors pourtant qu’elle suscite au moins autant de questions que le don d’organes d’un donneur vivant, qu’elle impose une grossesse sous immunosuppresseurs à la receveuse et le retrait de l’utérus donné après la naissance.
Ensuite, pour penser la GPA dite « sociétale » – principalement à destination des hommes seuls ou de couples d’hommes –, il faut se défaire de l’argument épouvantail du « droit à l’enfant ». Critiqué par les opposants à la pratique, ce n’est cependant pas ce qui est défendu par les personnes qui y sont favorables. Le rôle de l’Etat n’est pas de garantir un enfant à chacun, comme s’il s’agissait d’un objet de droit. Mais les Français doivent s’interroger sur l’étendue du pouvoir interventionnel de l’Etat en matière de choix reproductifs, surtout lorsque celui-ci détermine quels modèles de familles sont autorisés ou non, sur des arguments souvent symboliques.
Depuis la loi ouvrant le mariage pour tous en 2013, le couple hétérosexuel n’est plus la norme exclusive et, avec la loi de bioéthique de 2021, la famille génétique devient accessible aux femmes seules et en couple de même sexe. Il est temps de penser aux citoyens que l’on laisse en marge de l’AMP : les femmes sans capacité gestationnelle, les hommes seuls et les couples d’hommes. Rappelons également que l’interdiction n’endigue pas la pratique, inégalement accessible sur le marché globalisé de la reproduction selon les moyens des individus.
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